Le commentaire est le même. Toujours. Sans exception. Sur les marchés de producteurs auxquels je participe, lors des expositions ventes ou les salons, lorsque je vous propose de goûter mes biscuits à la feuille de 4 épices, et avant même que vous ne les ayez en bouche. « Quatre-épices ? Oui, je connais. C’est avec ça que l’on fait les biscuits de Noël ou le pain d’épices ! C’est ce mélange, avec de la cannelle et puis, ah vous savez bien… ».
Et c’est heureux, je sais. Je sais ce que tout le monde a en tête, à savoir ce mélange de cannelle, de girofle, de muscade et de poivre (ou sa variante gingembre et poivre pour les deux derniers éléments), que l’on trouve dans le commerce.
Normal, que nous ayons tous le sentiment de si bien le connaître : il s’agit de l’un des plus anciens mélanges de la cuisine française, voire européenne. Déjà, en 1680, il est mentionné, dans le Dictionnaire François (P. Richelet) où le pain d’épices est décrit comme : « un composé de miel, de fleur de fégle (seigle) & des quatre-épices qu’on fait cuire au four & qu’on vend à la livre par pain, ou par petite pièce. ». Un siècle plus tard, en 1791, notre mélange apparaît encore plus précisément, dans le Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle (Mr. Valmont-Bomare) : « on appelle quatre-épices, un mélange aromatique et réduit en poudre lequel est composé essentiellement de girofle, de muscade, de poivre noir et de cannelle ou de gingembre ; aujourd’hui on y ajoute de l’anis, de la coriandre, des macis, du piment de la Jamaïque, quelquefois aussi des herbes aromatiques comme thym, marjolaine & laurier ».
A ce stade, la réponse à notre première question est donc « VRAI ».
Cependant, cependant…l’Histoire est bien plus subtile. Et Mère nature bien généreuse.
Quelques siècles auparavant, en 1494, Christophe Colomb rapporta de son expédition de Jamaïque, les graines d’un arbre qu’il appela « bois d’Inde », pensant avoir trouvé les Indes Orientales.
Savez-vous quel fût l’un de ses petits noms de baptême sur les territoires francophones ? L’arbre de Quatre-épices*. Un arbre étonnant s’il en est, puisque son fruit séché ou ses feuilles développent plusieurs arômes rappelant le poivre noir, le clou de girofle, la cannelle et la noix de muscade (…ou le gingembre…). Loin de son berceau caribéen et d’Amérique Centrale, grâce à Pierre Poivre qui l’introduisit et le cultiva sur l’Isle de France (actuelle Ile Maurice), on le retrouve ensuite sur les îles de l’Océan Indien. Et aujourd’hui dans mon jardin créole du Lambert…ou dans mes biscuits à la feuille de 4 épices, ou dans mon pain d’épices Réunionnais, ou encore dans mes tablettes volcaniques…
Sous ce nouvel éclairage, la réponse à notre première question est donc « FAUX ».
Cependant, cependant…en cuisine (toute discipline confondue), que valent ces avis tranchés ? Est-il important de savoir que votre recette a été élaborée avec une feuille ou un mélange, à partir du moment où vous avez plaisir à la partager ?
Important, peut-être pas. Utile, très certainement. Car la connaissance des produits que vous utilisez, en l’occurrence un mélange ou une feuille, permet d’expliquer toutes ces subtiles nuances aromatiques qui une fois en bouche font toute la différence. Et rendent vos créations uniques.
*Il existe différentes espèces d’arbre « Quatre-épices », sujet à part entière d’une prochaine newsletter.